Pourquoi la plume?
Je suis tombée dans la plume sur le tard presque par hasard. Après une longue carrière d'actrice, réalisatrice, scénariste, je suis retournée à la source, celle de mes premières amours : la couture, le tissus, la mode. J'ai repris quelques études,( patronage, réalisation, stylisme) pour m'apercevoir que ce monde n'est décidément pas fait pour moi, que je n'avais pas les armes pour m'épanouir dans cette industrie ultra compétitive, qui impose de se renouveler sans cesse à un rythme en constance accélération. J'en avais eu l'intuition très jeune. Après une brève séquence de mannequinat, j'avais déjà fui ce milieu, en quête d'une lumière plus durable sans doute...
Alors pourquoi la plume aujourd'hui ? Le psy du café du coin pourrait affirmer qu'il s'agit d'une activité de substitution au métier de scénariste : l'écriture, la plume, même combat ? …Le hasard, je vous dis.
J'ai commencé par vouloir accessoiriser une de mes réalisation, une jupe en paille... très raide, le genre de jupe qui oblige à rester debout toute la soirée...
À l'époque je commençais à regarder les arts premiers sans trop savoir pourquoi. J'ai confectionné un premier collier inspiré de ce que j'avais pu voir dans les musées. Et j'ai eu comme un déclic. L'art de la plume m'ouvrait tout un monde au cœur de la forêt primaire, du temps où les peuples autochtones tissaient encore des liens spirituels avec leur milieu naturel.
Il me fallait persévérer. Je devais me confronter à ce matériaux particulièrement difficile à discipliner. Par sa nature rebelle, la plume m'a appris à accepter l'imprévu au lieu d'essayer de le vaincre. J'ai commencé à relativiser, à simplifier. Mon rapport à la mode a changé, ma garde robe s'est débarrassée du superflu. Car pour mettre en valeur mes créations, le vêtement doit s'effacer, il devient support, toile de fond. Par sa teinte, il peut encore jouer un rôle. Il peut agir comme un révélateur, pour renforcer ou tempérer l'éclat d'une couleur, mais cela s'arrête là. On peut considérer que c'est une limite, mais pour moi, ce fut un nouveau départ, un nouveau rapport à la séduction.
Une de mes clientes m'a un jour confié qu'elle se sentait protégée par son collier, il lui donnait de la force au lieu de faire d'elle une proie, de la réduire à un objet de désir. En tant que féministe primaire, j'étais plutôt flattée de cette remarque. Mais le meilleur compliment qu'on m'ait fait est venu d'un homme. Alors que je portais une de mes plus grosses pièces très colorée, très spectaculaire, il s'est étonné de constater que ma tenue n'avait rien d'extravagant, au contraire, il l'a trouvait parfaitement équilibrée, en harmonie avec le monde, aux antipodes de l'empilement habituel des oripeaux de la féminité. Je ne pouvais rêver mieux...
Cette importance rendue à l'accessoire m'a conduite vers une réflexion plus générale sur le bijou, son rapport au corps, à la séduction et surtout, elle m'a poussée à m'interroger sur la meilleur façon de le montrer. Un désir de scénographie est monté en puissance dans lequel le corps augmenté du bijou se matérialise sous différentes formes dans l'espace. Ces petites mises en scène sont devenues une partie importante de mon travail actuellement.